Quatre nuits d’insomnie survenues en pleine retraite silencieuse : ce n’est pas un mythe, mais le récit d’un participant parmi d’autres. Les études cliniques, elles, n’édulcorent rien : crises d’anxiété, épisodes de dissociation, sommeil en miettes… Autant de signaux qui rappellent que la méditation, vantée sur toutes les ondes, n’est pas une panacée universelle. Des experts tirent la sonnette d’alarme : certains profils doivent s’abstenir, notamment en cas de troubles psychiatriques non stabilisés, de traumatismes non résolus ou durant des moments de grande fragilité émotionnelle.
Ces effets secondaires ne concernent pas uniquement les personnes déjà suivies pour raison médicale. Même en parfaite santé, un changement soudain dans l’intensité ou la durée des séances peut entraîner des réactions inattendues. La vigilance s’impose face à une discipline souvent présentée comme inoffensive et bonne pour tous.
La méditation, une pratique aux multiples facettes
Si la méditation vous paraît familière, c’est qu’elle a traversé les siècles et s’est réinventée à travers d’innombrables traditions. Elle a pris racine dans le bouddhisme, l’hindouisme, mais aussi le christianisme, le soufisme ou la kabbale. Longtemps réservée à la sphère spirituelle, elle s’est depuis affranchie des temples : aujourd’hui, la France la découvre sous une forme laïque, portée par des pionniers tels que Jon Kabat-Zinn, créateur du programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction), ou Christophe André, référence de la pleine conscience dans les hôpitaux.
Désormais, il n’existe pas une unique manière de méditer. Selon les besoins et les contextes, on distingue plusieurs approches :
- Vipassana, centrée sur l’observation des sensations et des pensées ;
- Zazen, qui privilégie l’assise silencieuse du zen ;
- marche méditative pour intégrer le mouvement ;
- scan corporel afin d’explorer les ressentis physiques ;
- et aussi la méditation avec mantra ou la visualisation.
Les amateurs de yoga y voient une extension naturelle de leur discipline : ici, le travail du corps fait écho à celui de l’esprit.
La recherche s’est emparée du sujet : le centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL), animé par Antoine Lutz, ou l’université du Wisconsin avec Jeff Miller, interrogent les effets de ces pratiques sur le cerveau humain. Grâce à l’IRM fonctionnelle, certains bienfaits de la méditation s’objectivent : meilleure régulation des émotions, attention accrue, plasticité cérébrale renouvelée. Mais chaque technique sollicite des processus différents ; les effets ressentis varient selon l’histoire, la sensibilité et les attentes de chacun.
La méditation laïque s’invite partout : hôpitaux, écoles, entreprises, prisons, armée… Cette diffusion massive s’accompagne d’une pluralité d’approches : séances collectives, applications mobiles, retraites silencieuses ou enseignements transmis par des figures comme Matthieu Ricard ou Thich Nhat Hanh au Village des Pruniers. La pratique ne cesse de se réinventer, à la croisée des générations et des milieux.
Quels effets indésirables peut-on rencontrer ?
À force d’en faire l’éloge pour la gestion du stress ou la régulation des émotions, on finirait presque par oublier que la méditation a aussi ses revers. De nombreux praticiens témoignent : les premières séances, ou certains contextes de vulnérabilité psychique, peuvent bousculer. Loin d’apporter un apaisement immédiat, la pratique se révèle parfois déstabilisante.
Chez certains, la méditation provoque une avalanche de ruminations mentales. Loin de s’apaiser, l’esprit tourne en boucle, ramenant à la surface des pensées négatives ou des inquiétudes enfouies. Ceux qui espèrent trouver la tranquillité découvrent parfois, à leur grande surprise, une agitation accrue. Pour les personnes dotées d’un mental hyperactif, la méditation peut devenir un véritable défi : les pensées affluent, la frustration monte, la sensation de ne pas réussir à « se poser » s’installe.
Les psychiatres sont de plus en plus nombreux à alerter sur les effets indésirables de la méditation chez les personnes fragilisées psychologiquement. Des cas de dépersonnalisation, de dissociation ou d’accès d’anxiété ont été recensés, surtout lors de retraites intensives ou de pratiques solitaires sans accompagnement. Parfois, une hypersensibilité émotionnelle s’invite, réactivant des souvenirs douloureux ou des traumas enfouis. La frontière entre présence à soi et résurgence du passé se fait alors poreuse.
Les études scientifiques, nourries par l’imagerie cérébrale, commencent à éclairer ces réalités. Si la majorité des travaux observe une amélioration du bien-être, certains insistent sur la nécessité d’un encadrement adapté pour les personnes à risque. Les équipes du centre de recherche en neurosciences de Lyon rappellent que la réponse cérébrale à la méditation n’a rien d’uniforme : ce qui soulage l’un peut troubler l’autre.
Pourquoi certaines personnes devraient-elles faire preuve de prudence ?
L’attrait pour la méditation tient à la promesse d’un esprit apaisé et d’une meilleure clarté mentale. Mais cette pratique n’est pas un passe-partout. Les professionnels de santé mentale le rappellent : certains profils doivent avancer avec tact et discernement. Face à une instabilité émotionnelle, à un trouble anxieux sévère ou à un épisode dépressif aigu, une séance de pleine conscience ou de méditation non accompagnée peut accentuer les symptômes existants.
Un mot d’alerte aussi pour les personnes hypersensibles ou sujettes à la dissociation : une plongée introspective trop profonde risque d’amplifier les émotions, de brouiller les repères, voire de réveiller des souvenirs difficiles. Dans ces situations, l’accompagnement par un professionnel formé à la jonction entre psychologie et pratiques méditatives devient précieux.
Quant au mental hyperactif, il ne s’apaise pas à coup sûr à l’épreuve de la méditation. Au contraire, l’exercice peut générer davantage de tension et de frustration, l’esprit cherchant coûte que coûte à s’occuper.
Voici les profils chez qui la vigilance est particulièrement de mise :
- Personnes en fragilité psychologique : les troubles peuvent s’accentuer
- Sujets hypersensibles : l’émotivité risque de s’intensifier
- Individus au mental hyperactif : la difficulté à supporter le silence intérieur peut devenir pesante
La méditation ne se réduit donc pas à une méthode universelle : elle demande un ajustement minutieux, un choix de technique et de rythme en phase avec l’état de chacun. Un encadrement sérieux reste préférable pour toute personne présentant un passé psychiatrique ou une tendance anxieuse marquée.
Des conseils concrets pour méditer en toute sécurité
Méditer : oui, mais pas à l’aveugle. La posture constitue la première étape. Gardez le dos droit, les épaules relâchées, les appuis confortables. Que vous choisissiez un coussin (zafu), un tapis de yoga ou une chaise, l’important est d’éviter toute gêne. Les accessoires comme un bolster, un oreiller ergonomique ou une bouillotte sèche sont appréciés lors des séances longues, surtout si des douleurs physiques se manifestent.
Pour la suite, ramenez toujours l’attention à la respiration : inspirez, expirez, observez les sensations. Inutile de viser la performance. Ce qui compte, c’est la régularité : dix minutes quotidiennes suffisent, pourvu que la démarche soit sincère, patiente, et marquée par la bienveillance envers soi.
Les applications de méditation telles que Petit Bambou ou Insight Timer sont de bons outils pour commencer ou approfondir. Elles proposent des séances guidées, parfois animées par des spécialistes comme Christophe André : un soutien réel pour s’ancrer, éviter la dispersion et rassurer les débutants.
Si vous préférez bouger, la marche méditative offre une alternative pertinente. Pour enrichir l’expérience, testez le scan corporel, la musique apaisante ou les sons de la nature. Adaptez le format à ce qui vous convient : assis, allongé, en mouvement… L’essentiel : rester attentif à l’instant, sans attente démesurée.
La méditation ne réclame ni silence absolu, ni chasse aux pensées. Elle propose d’accueillir, sans jugement, ce qui se présente : sensations, émotions, agitation ou calme. Avancez avec curiosité, prudence et patience , surtout si vous traversez une période sensible ou si votre histoire psychologique pèse dans la balance.
La méditation n’est ni une course ni une promesse de bonheur immédiat. C’est un chemin, parfois escarpé, qui mérite d’être emprunté avec discernement. À chacun d’y trouver sa place, ou de choisir d’en rester aux abords, sans jamais forcer le passage.